jeudi 27 septembre 2018

L'hiver du mécontentement, Thomas B. Reverdy

L'hiver du mécontentement, avant d'être le titre du dernier roman de Thomas B. Reverdy, c'était le nom donné par les journalistes à l'hiver 1978-1979 à Londres. Un hiver rude à tous les points : climatique, puisque la neige a envahi les rues de la ville. Mais surtout, plus que cela, la ville a été secouée sur le plan politique et économique. Année d'inflation très forte, 1978 a vu Londres être paralysée par d'incessantes grèves, car les ouvriers ne pouvaient plus payer leurs loyers. Dans le même temps, le chômage a connu des sommets insoupçonnés, loin d'aider la population à garder la tête hors de l'eau. 

Dans son nouveau roman, Thomas B. Reverdy revient sur cette période mouvementée de l'histoire de l'Angleterre, au travers de Candice, une jeune femme qui illustre assez bien l'état d'esprit de cette époque. A 20 ans, elle mène de front des études théâtrales, la répétition d'une pièce, et un job de coursier à vélo. Si elle semble plutôt satisfaite de sa vie personnelle, on sent en elle comme une secrète envie d'en découdre avec les injustices de ce monde, mais surtout et avant tout, de profiter de la vie malgré les difficultés. Sa niaque, on l'observe notamment dans le personnage qu'elle doit incarner au théâtre Warehouse : elle sera Richard III, celui de Shakespeare, dans une mise en scène exclusivement féminine. 


Le parallèle que fait ici Thomas B. Reverdy avec la pièce de Richard III est bien pensé même s'il peut sembler facile. Car en effet, la pièce ne s'ouvre-t-elle pas sur cette même phrase : "Voici venir l'hiver de notre mécontentement" ? Malgré tout, ce filon est plutôt bien exploité, laissant cette fois les femmes sur le devant de la scène. En effet, ce fameux hiver, en Angleterre, est également celui de l'accession au pouvoir de celle qui sera appelée la Dame de Fer : Margaret Thatcher. Le chemin de Candice va d'ailleurs croiser celui de cette femme de pouvoir alors qu'elle n'est encore que très peu connue. Elle trouve audacieux de voir des jeunes filles revisiter la pièce de Shakespeare, et une réflexion se crée d'ailleurs autour de cela, avec une nouvelle vision du personnage de Richard III. 

L'écriture de ce roman est assez délicate, et parvient à traiter tout cela sans aucune lourdeur. On aimerait quelques développements supplémentaires autour de Candice et ses amis. On est face à des jeunes issus de milieux populaires, ceux qui n'ont pas fait des tas d'études, et qui professionnellement, aspirent à faire quelque chose qui leur plaît même si cela rapporte peu, plutôt qu'un travail bien payé mais purement alimentaire. Mais ce choix, en période de chômage, relève presque du luxe (ou alors, à l'inverse, il contraint à une vie de pauvreté). Ce discours fait toujours écho quarante ans après, alors que ce dilemme entre aisance financière et passion est d'actualité dans le monde des auto-entrepreneurs. 

Même si j'ai ressenti beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, à la fois plein de douceur, mais soulevant des réflexions intéressantes, je suis un peu restée sur ma fin. S'il est bien vu de la part de l'auteur de ne pas trop s'enfoncer dans l'analyse politique des années Thatcher, on aurait souhaité de quoi imaginer un futur pour Candice et les autres jeunes qui l'entourent. Cependant, tout le reste du roman est intelligemment réalisé, oscillant entre le regard de la jeune femme qui tente de comprendre son époque, et la voix discrète de l'auteur qui analyse les choses avec davantage de recul. Un roman que je vous conseille donc : il nous fait plonger dans une époque, et c'est un beau moment de découverte. Vous pouvez vous le procurer par ici

Dans le roman, l'auteur nous propose une bande originale à écouter pendant la lecture. Pour ma part, je ne sais pas lire et écouter de la musique en même temps, alors je l'écoute maintenant, alors que j'écris cette chronique. Une playlist a été mise en place, que je vous invite à aller écouter ! 

J'ai lu ce roman dans le cadre de l'édition 2018 du Challenge 1% Rentrée Littéraire.




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