vendredi 10 mai 2019

Brexit Romance, Clémentine Beauvais

Depuis que les livres de Clémentine Beauvais me faisaient de l’œil, il était grand temps que je m'y lance ! Et c'est chose faite (enfin !) avec son dernier roman, Brexit Romance. Ce fut donc une entrée en grande pompe dans l'univers de cette autrice, puisque cette lecture a été un véritable coup de cœur, et m'a un peu laissée comme deux ronds de flan... 

Au Royaume-Uni, le verdict est tombé : la majorité des anglais ont décidé, ils quitteront l'Union Européenne, et Brexit il y aura. Oui, mais si c'est l'opinion de la majorité, ça n'est pas celle de tous. Parmi les jeunes londoniens, notamment, certains regrettent profondément la liberté de mouvement qu'ils vont perdre avec leur nationalité européenne. Justine Dodgson, appuyée par son frère Matt trouve alors l'idée qui leur permettra de contourner cela : elle va organiser des mariages blancs entre français et anglais ! Armée de son smartphone et d'une certaine hyperactivité, elle se lance donc dans la création d'une application destinée à matcher ses amis britanniques avec des français acceptant de sacrifier quelques années de leur vie à ce beau projet humaniste et multiculturel. Cannelle, qui prépare ainsi son mariage avec Matt, va faire en chemin la rencontre de Marguerite Fiorel, jeune soprano allant donner un récital à Londres, et de Pierre Kamenev, son professeur de chant et anticapitaliste convaincu. La rencontre de tous ces personnages hauts en couleurs va alors créer un cocktail explosif de bonne humeur, et on se régale !


On se régale, d'abord, grâce à ces fameux personnages, que Clémentine Beauvais croque à la perfection, chacun ayant des caractères bien affirmés, et campant à la perfection quelques clichés délicieusement drôles de notre société moderne. Et pour aller au bout de son propos multiculturel, l'autrice mélange avec faste les deux langues dans son écriture. Certes, Justine maîtrise plutôt bien le français, tandis que Marguerite s'en sort difficilement avec son anglais très scolaire, mais tout cela n'est en réalité qu'un prétexte pour des dialogues de sourds, entre français et anglais qui jonglent tant bien que mal entre la langue maternelle des uns et des autres. On se retrouve donc à rire devant un tas d'incompréhensions liées à des expressions très culturelles, telles que les "funny" qui ne le sont pas vraiment, les "I'm afraid" qui ne préfigurent que rarement une réelle peur, et tout cela est, ma foi,  très "interesting"... 

Plus que deux langues, ce sont véritablement deux cultures qui s'entrechoquent ici, et Clémentine Beauvais ne se prive pas pour lancer bon nombre de piques à l'égard de ces deux cultures qui sont siennes. Ainsi, le flegme britannique sera bien souvent source de fous rires, mais il faudra aussi faire preuve d'humilité pour accepter une critique également bienveillante de notre façon de nous exprimer, disons, souvent colorée. Ce ne sont pas seulement les différences culturelles qui en prennent pour leur grade, mais également tous les traits caractéristiques de notre génération : les réseaux sociaux sont en première ligne des traits d'humour de l'autrice, et suivent notamment le féminisme, le veganisme, et plus largement, la jeunesse et toutes ses joyeuses contradictions. La politique, qu'elle soit française ou britannique, n'est pas non plus en reste, puisque l'on assiste avec délectation à un cocktail du parti UKIP, auquel est conviée ni plus ni moins que Marine Le Pen. Cependant, le but de ces critiques n'est clairement pas de sanctionner quelque mode de pensée ou de vie que ce soit, mais seulement de s'amuser, car tous ces propos sont emplis d'une malice qui semble n'avoir aucune limite. 

Cette malice et ce jonglage entre deux langues suffiraient à faire un bon livre, mais ce ne sont pas là les seules qualités de ce roman, qui réussit le coup de maître de nous faire assister à un véritable opéra. Marguerite vient à Londres pour chanter dans Les noces de Figaro, mais n'assistons-nous pas, de notre côté, aux "Mariages du Brexit" ? Car finalement, si les traits de caractère des personnages sont très marqués, est-ce que ce n'est pas pour les rendre mieux visibles sur la scène sur laquelle ils évoluent ? Les dialogues sont quant à eux plein de vivacité, rebondissants, et donnent l'impression d'être face à des acteurs qui se donnent la réplique. Le texte est divisé en quatre actes, qui pourraient figurer le déroulement d'une parfaite tragi-comédie : le roman s'ouvre sur des promesses de mariage, puis les personnages engagés dans ce mariage se disputent, ce qui laisse planer sur l'histoire une véritable tension dramatique, qui trouvera sa résolution dans un dénouement avec force quiproquos et ressorts comiques. Clémentine Beauvais a donc réussi l'exploit littéraire de nous faire lire à la fois un roman et une pièce d'opéra, tout en nous procurant un plaisir immense. Et si vous avez la sensation que tout cela manque de musique, pas d'inquiétude ! L'autrice nous a concocté une playlist assortie à son roman, que vous pouvez écouter au fil de chaque acte de lecture, ou bien retrouver par ici si vous êtes trop impatients... 

Certains livres sont des livres "doudous", ceux auxquels on revient lorsqu'on a une baisse de morale. Plus que cela, je dirais que ce roman est un livre "bonbon", acidulé et piquant à souhait. Une fois terminé, on n'a qu'une envie : en reprendre ! (Cela aurait-il un lien avec les bonbons qui se sont invités sur ma photo d'illustration ? Eux seuls pourraient vous le dire...)

Si vous aussi vous avez envie de laisser ce bonbon fondre sur votre langue, procurez-vous le dans votre librairie préférée, ou en quelques clics par ici

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