mardi 23 septembre 2014

Astrid Cabral

En retard. Je me suis plantée, j'ai mal lu les horaires de bus. Partie toute guillerette, me voilà en train de pester devant l'arrêt de bus où je dois attendre... vingt minutes. Résultat, j'aurais dix minutes de retard. Je m'énerve, je râle, je rouspète contre ce bus qui me paraît ne pas avancer. Je suis énervée, en rogne. Enfin, l'arrêt où je descends approche, je peux sortir de ce qui me paraît, sur le moment, une poubelle roulante. Je me rue sur le trottoir, bouscule des passants, me précipite dans la rue qui monte vers le lieu où je me rends. Je tourne, rue des Grandes Ecoles, je cours vers cette porte ouverte, juste là. 

Je m'engouffre dans la librairie, reprends ma respiration, et je m'avance doucement, sur la pointe des pieds, pour ne pas déranger la rencontre qui a déjà commencé. Immédiatement, ma colère disparaît. Les livres m'apaisent, déjà, à eux seuls. Et puis cette voix. Presque hésitante, tremblante. Ayant repéré quelques visages familiers, je vais vers le fond de la salle où je m'assois pour mieux l'écouter. Je me laisse happer par la poésie portugaise qui sort de la bouche de la petite femme assise sur le canapé rouge à l'autre bout de la salle. Lorsqu'elle se tait, la femme assise à côté d'elle prend à son tour la parole, et lit ce qui doit être la traduction de ce poème. Poésie du quotidien, de la simplicité, et pourtant, incontestablement, beauté de cette poésie. "L'orange au dessert". C'est aussi simple que cela, et ça m'habite. Me fait plonger immédiatement et sans retenue dans cet univers, son univers. L'univers d'Astrid Cabral. 

Astrid Cabral. Poète portugaise, elle parle d'elle-même et de son oeuvre avec beaucoup d'humilité et de simplicité. Elle nous parle avec tendresse, la tendresse d'une mère. Ce qu'elle est d'ailleurs. Une mère à plein temps, qui prend parfois le temps de poser quelques phrases sur le papier pour en faire un poème. Une femme, surtout. Une femme qui écrit sur la femme, qui n'a pas peur d'être femme et de parler aux femmes de la sensualité et de la beauté de leurs corps, de leurs cœurs. Elle est la femme, l'épouse d'un poète, Alfonso Felix de Sousa. Parti avant elle, elle est persuadée qu'il est désormais dans une immense salle d'une grande beauté, le lieu d'après la mort. "La vie, c'est la salle d'attente", ajoute-t-elle avec un sourire chargé d'émotion. 

Désormais, la poésie n'est plus, comme avant, prisonnière du papier. Elle est rendue orale, plus présente dans nos vies, dans ma vie. Ma vie à cent à l'heure dont je reprends le cours sitôt sortie de cet endroit comme hors du temps. Ma vie dans laquelle, grâce à ce moment de communion avec Astrid Cabral, je devrais essayer de mettre un peu de poésie. 

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