Aujourd'hui, belle surprise en feuilletant le Magazine
Littéraire de cet été. Un titre attire mon attention dans le sommaire : « Si en 2015 Calvino est réédité » (avec, mentionné au-dessus, le titre du
roman dont il est question : Si
(par) une nuit d’hiver un voyageur). Quelques explications s’imposent pour
expliquer ma joie.
Le roman Si par une
nuit d’hiver un voyageur, d’Italo Calvino, a initialement été publié en
1979 pour l’édition originale, et en 1981 pour la traduction française, au
Seuil. Seulement, entre 1981 et 2015, le roman n’avait jamais été réédité
(après avoir mené ma petite enquête, il s’agirait a priori d’une question de
droits et d’héritage…). Donc ces dernières années, pour se le procurer, il
fallait être prêt à payer un minimum de 50€ pour une édition abîmée, et même
pas forcément belle (en tous cas, qui n’avait rien d’exceptionnel par rapport
aux autres éditions du Seuil). Un peu cher, surtout pour une étudiante… J’avais
déjà entendu parler de ce livre en prépa, et j’avais très envie de le lire !
Mais impossible de mettre la main dessus pour pas cher, même en médiathèque.
Puis, en octobre de cette année, une de mes profs, à la fac, annonce la
possibilité de faire un exposé sur ce roman : elle avait elle-même un
exemplaire du livre et pouvait le prêter… Inutile de dire que j’ai sauté sur
cette occasion en or pour dévorer un roman magique !
Oui, car il y a un peu quelque chose de l’ordre du magique
dans le livre de Calvino. L’auteur, proche de l’Oulipo, s’est essayé à un exercice de style
particulièrement intéressant. Il a imaginé l’histoire d’un livre mal relié, mal
référencé par l’éditeur, et après lequel un lecteur frustré court
désespérément. Le livre s’ouvre sur des conseils pour bien lire.
Tu vas commencer le nouveau
roman d’Italo
Calvino, Si par une
nuit d’hiver un voyageur. Détends-toi.
Concentre-toi. Ecarte de
toi toute autre pensée. Laisse le
monde qui t’entoure s’estomper dans le vague. (…)
Prends la position la plus
confortable : assis,
étendu, pelotonné, couché.
Couché sur le dos, sur un côté,
sur le ventre. Dans un
fauteuil, un sofa, un fauteuil à
bascule, une chaise longue,
un pouf. Ou dans un hamac, si
tu en as un. Sur ton lit
naturellement, ou dedans. Tu peux
aussi te mettre la tête en bas,
en position de yoga. En
tenant le livre à l’envers, évidemment.
Grâce à ces lignes pleines de malice, on rentre avec
délectation dans ce roman à l’allure plutôt inattendue. On suit un lecteur,
celui-là même auquel s’adresse le narrateur, qui a acheté (comme vous bientôt !)
le roman d’Italo Calvino, et qui en commence assez vite la lecture (que l’on
peut suivre en même temps que lui). Mais très vite, le Lecteur s’aperçoit que
son roman présente une erreur de reliure : le même carnet a été broché
tout le long du roman, il ne peut donc que relire encore et encore le début de
son roman, sans en connaître la fin ! C’est pourquoi il se lance dans la
quête d’un roman fini, mais il rencontrera bien des obstacles. En effet, au
cours du livre et des pérégrinations du Lecteur, on croise dix débuts de roman, mais dont aucun n'a de suite. C’est en cela que consiste l’exercice
de style d’Italo Calvino : il a écrit dix débuts de roman, tous de genres
bien différents (du roman noir au roman sentimental, en passant par le roman
psychologique, le roman policier, etc…).
En plus de cette panoplie de débuts de roman, l’auteur nous
livre, au travers des personnages, une véritable réflexion sur la lecture et l’écriture,
un questionnement sur le livre parfait, tant du point de vue du lecteur que de
l’auteur, et finalement, on aboutit à une conclusion un peu borgésienne :
il y a en fait autant de livres qu’il y a de lecteurs et de façons de lire.
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