mardi 26 janvier 2016

Une Antigone à Kandahar, Joydeep Roy-Bhattacharya

De la guerre en Afghanistan, je dois avouer que je ne sais au fond pas grand chose. Tout ce que je sais en fait, c'est que c'est un conflit d'une grande complexité. Ce qui explique peut-être, d'ailleurs, pourquoi je n'ai pas tellement cherché à approfondir la question.



Et pourtant, dès sa sortie, j'ai été très attirée par le roman de Joydeep Roy-Bhattacharya, Une Antigone à Kandahar. Kandahar, ai-je appris en lisant une critique, est situé en Afghanistan, et les américains y ont établi une base militaire.

En fin de compte, je crois que ce qui m'a le plus attirée dans ce titre, c'est "Antigone". Vous savez, c'est cette héroïne de Sophocle (reprise par Jean Anouilh, ça vous parle peut-être plus), qui veut à tout prix enterrer son frère selon la tradition, alors même que ce dernier a été accusé de meurtre. Eh bien cette Antigone, on la retrouve ici sous les traits d'une jeune afghane qui s'avance, voilée, devant un fort militaire américain, et qui réclame le corps de son frère afin de l'enterrer. Son frère, on l'apprend, a mené la veille une attaque contre les américains, au cours de laquelle plusieurs soldats sont morts. On comprend donc les tensions de chacun quand cette jeune femme s'approche. D'autant que les soldats ont peur que ce ne soit en fait un kamikaze qui aurait caché des explosifs sous le voile.

Telle est la situation décrite dans ce livre. Et tour à tour, chapitre après chapitre, les voix s'élèvent. D'abord, celle de cette jeune femme, à qui on a bien envie tout de même d'accorder notre sympathie. Puis celles des soldats de la base. Ils reviennent sur leur passé, sur les motivations à s'engager dans l'armée. Ils nous exposent leurs visions de ce conflit, leurs espoirs quant à ceux qui les attendent - ou non - au pays... Des voix très différentes qui résonnent ainsi : des voix sincères et touchantes, des voix pleines d'érudition, en plein questionnement, des voix plus dures, parfois très vulgaires et rancunières. Chacun s'exprime dans un langage qui lui est propre, et on voit là tout le talent de l'auteur, qui maîtrise tous ces styles sans aucune fausse note.

D'autres romans devraient suivre celui-ci, également centrés sur le conflit en Afghanistan. Après la claque administrée par cette version moderne du mythe d'Antigone, j'attends la suite avec impatience. Tout en finesse et en poésie, l'auteur nous aide à nous poser les bonnes questions sur cette guerre, et en parallèle, sur toutes les guerres de notre monde contemporain. Il nous montre très bien que tout n'est pas noir ou blanc, et que tout cela va bien au-delà.

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