jeudi 2 février 2017

Le Papillon, Andrus Kivirähk

Andrus Kivirähk (pas facile à écrire décidément, ce nom, je suis obligée de vérifier à chaque fois que je le tape ^^') est un auteur que j'ai découvert il y a quelque temps avec un autre roman, déjà publié au Tripode. C'est une amie libraire, lors d'un stage, qui m'avait recommandé L'homme qui savait la langue des serpents (je vous en avais parlé ici) et j'avais déjà remarqué son caractère quelque peu inclassable : entre le côté fantastique qui s'approche de la littérature pour adolescents, et le côté historique, ainsi que la plume magnifique de l'auteur, qui font que tous les adultes peuvent y trouver leur compte, on ne savait pas trop où le ranger. Quoiqu'il en soit, cela démontrait le talent d'un auteur à faire découvrir, et à promouvoir ! Alors quand j'ai appris la traduction du premier roman de cet auteur estonien, Le Papillon, je me suis dit qu'il fallait que je guette cette sortie !

Entre Le Papillon et L'homme qui savait la langue des serpents, on n'est pas du tout dans le même genre de roman. En effet, dans L'homme qui savait la langue des serpents, on retrouve une aventure moyenâgeuse, empreinte de fantastique, et qui fait souvent frissonner. Dans Le Papillon, on est dans quelque chose de beaucoup plus doux, même si on retrouve toujours la belle plume de l'auteur, ainsi que le côté malicieux qu'il peut donner à sa narration. Ici, l'intrigue se déroule au XXème siècle, entre les deux Guerres Mondiales : une des rares périodes historiques pendant laquelle le peuple estonien n'était pas sous oppression. Une période heureuse, pendant laquelle ce peuple méconnu a découvert ce qu'était la liberté, et a pu s'émanciper, notamment sur le plan culturel. Et c'est un peu ce que raconte ce roman : les personnages centraux de l'histoire font tous partie d'une troupe de théâtre montée durant cette période. On y croise divers personnages, avec leurs tranches de vie. Des vies simples, des rêves nourris en montant sur les planches d'un théâtre qu'ils participent à bâtir, des amours déçues, d'autres plus heureuses... La simplicité de tous ces personnages, mêlée à la grandiloquence de leurs vies fait sourire tout au long du roman, et on a envie de rester plus longtemps en leur compagnie. En effet, au-delà d'une troupe de théâtre, il s'agit aussi d'une belle bande de copains qui partagent mille facéties (et pas seulement sur scène), qui se soutiennent dans les moments plus difficiles, qui savent se dire les choses lorsqu'il le faut... Ils font plaisir à voir, et on s'attache réellement à eux, comme s'ils faisaient partie de notre vie, réellement.

Et pourtant, le narrateur n'a de cesse de nous mettre en garde contre la véracité de ses propos. Ce narrateur, August, fait partie de cette fameuse troupe de théâtre, et il se souvient de tout ce qu'il a vécu, les belles choses comme les plus difficiles, pendant toute cette période. Il nous raconte tout cela, alors qu'il est mort. Et il n'a rien perdu de son rôle de comédien : il enjolive les choses quand il le faut, il a l'art de détourner la conversation lorsqu'il veut retrouver la saveur d'un moment vécu, ou bien lorsqu'il sait que nous, lecteurs, voulons à tout prix savoir la suite des événements... Il apporte tout le côté malicieux de ce roman, qui nous fait à la fois rager et sourire ! Dès le début, on sait que la fin de l'histoire ne sera pas très gaie, et on sait à peu près de quoi il va nous parler. Mais il a l'art de faire durer le plaisir, et d'en rajouter quand il veut se montrer sous son meilleur jour. On le devine fanfaron dans sa jeunesse, jeune premier qui veut épater les femmes, et surtout la belle Erika, qui a rejoint la troupe peu de temps après lui, le "papillon" qui a donné son âme au théâtre, selon son directeur, Pinna...

On est charmés par la délicatesse de ce roman et la finesse de l'écriture. Andrus Kivirähk nous invite également, discrètement, à réfléchir sur le rapport fiction / réalité. August, dans sa narration nous met souvent en garde contre les mensonges qu'il inclut dans son histoire. Régulièrement, après une scène visiblement mémorable, il nous prend à parti en nous disant de ne pas faire la bêtise de croire tout ce qu'il raconte, qu'une part de son histoire n'est que mensonges. Résultat, on se prend au jeu, et on s'interroge sur ce qui est vrai dans son histoire, et ce qui ne l'est pas... quitte à en oublier qu'en fait rien n'est vrai, puisqu'on est dans une fiction ! Trop occupés à tenter de déjouer les pièges du narrateur, on tombe donc dans le piège de l'auteur ! Mais avec délices, tellement cette histoire est belle !

Et si je ne vous ai pas encore convaincus de lire cette histoire, jetez un oeil au visuel de couverture. Rien que pour la beauté de ce dessin, cela vaut la peine d'avoir ce livre entre les mains !

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