mardi 3 août 2021

Focus sur... Sophie Adriansen

Sophie Adriansen est une autrice dont je suis le travail depuis plusieurs années, surtout pour ses publications en jeunesse. Je l'avais découverte avec un album plein de malice, La vache dans la brique de lait, et depuis, je recommande régulièrement ses romans à la librairie. Et puis ces derniers mois, c'est son travail en littérature générale que j'ai découvert, et dont je voulais vous parler aujourd'hui. 


En mai, paraissait la bande dessinée La remplaçante, illustrée par Mathou. Cette collaboration a fait parler sur les réseaux sociaux, son illustratrice y étant très connue. Une BD avec un dessin aussi frais et moderne, donc accessible, portant sur la dépression post-partum, il fallait que je m'y penche. Marketa est devenue maman avec Clovis, l'homme qu'elle aime. Seulement, alors que jusque là le bonheur qui les liait était immense et sans failles, la jeune femme se sent désormais complètement détachée de ce qui lui arrive. Elle est devenue maman, Clovis est papa, et cela semble si simple et naturel pour lui, alors pourquoi ça ne l'est pas pour elle ? Elle se sent complètement étrangère à ce petit être, pourtant sorti de son propre corps, et qui dépend entièrement d'elle. Le chemin est long pour se sentir à l'aise dans ce nouveau rôle qu'est la maternité, et elle a besoin d'attentions pour y arriver. Cette BD ne m'a pas réellement touchée, je ne suis pas certaine que c'était le but recherché. On sent, derrière ce texte et ces illustrations, le vécu de ces deux jeunes femmes, deux mères aussi. Les choses sont relatées avec beaucoup de douceur, de l'humour aussi. Et le but recherché est accompli : on gagne un livre qu'on peut facilement mettre dans les mains des jeunes ou futures mères, qui va leur parler sans tabou d'un sujet peu évoqué lors d'une grossesse, et qui les aidera certainement à apprivoiser leurs émotions, leur ressenti, à se sentir moins seules. Bravo, donc, aux autrices, pour ce travail nécessaire de vulgarisation autour du post-partum ! 



En réalité, cette bande dessinée n'est pas le seul ouvrage de Sophie Adriansen à ce sujet. Avec la parution de son dernier roman, Hystériques, j'ai découvert un autre roman, sorti il y a quelques années chez Fleuve et paru en poche cette année chez Charleston : Linea nigra. Ce roman évoque, par certains aspects, La remplaçante. Le sujet est le même : la dépression post-partum. Stéphanie est amoureuse de Luc, déjà papa de deux enfants, et ils prévoient d'avoir un enfant tous les deux. Si le bonheur semble d'abord sans limites, les choses changent du tout au tout après la naissance de l'enfant, et Stéphanie, privée de l'accouchement physiologique dont elle rêvait, déchante vite. Devenir maman, ce n'est en fait pas le rêve qu'elle s'imaginait. Oui, elle aime cet enfant, mais qu'a-t-il fait de son corps ? Qu'a-t-on fait de son corps lors de la césarienne ? Est-on sûr que ce ventre est désormais vide, alors que tout s'est passé si vite ? Peut-elle réellement se dire jeune accouchée, alors que ce n'est pas vraiment elle qui a accouché, mais plutôt les médecins qui l'ont accouchée ? Là encore, ce n'est pas un début de maternité idyllique que vit cette femme, et beaucoup de questions sans réponses se bousculent dans son esprit. Ce roman est très bien documenté, presque trop, car il devient documentaire. En effet, plusieurs chapitres nous renseignent avec précision sur la pratique gynécologique, l'accouchement physiologique, l'histoire de l'accouchement, etc. Tous ces propos sont très intéressants, mais m'ont empêchée de m'attacher à ce couple, à cette héroïne (j'emploie le terme exprès) qui devient jeune maman mais qui ne sait pas quoi faire de ça. Les flashbacks, les changements de point de vue, tout ça m'a tenue comme éloignée de ce qui se passait dans ce couple et cette nouvelle famille. Encore une fois, c'est un roman utile, mais pas un coup de cœur. 


Le coup de cœur, en revanche, je l'ai eu pour Hystériques. Il m'a paru mieux construit, mais surtout, les personnages sont mieux incarnés, et donc on s'attache à leurs destins, on comprend leurs choix, ou au contraire on s'énerve contre leur tempérament... Bref, ils prennent vie, véritablement. Dans ce roman, on suit trois sœurs, devenues adultes, dont les utérus viennent bousculer la vie, alors même que c'est un sujet tabou dans leur famille. En effet, leur mère n'a jamais voulu parler de cet organe pourtant si important dans la vie d'une femme. "Ce qui se passe en soi, on n'embête pas les autres avec" : voilà le mantra qui a guidé la vie de Sylviane, et l'éducation de Diane, Clémentine et Noémie. En suivant les trois femmes dans leur vie de couple, on se rend compte des ravages que peut faire une telle éducation. Diane a deux enfants, mais envisager la naissance du second n'a pas été chose facile. En effet, lorsqu'elle a accouché de son aînée, elle a été victime de violences obstétricales, et lorsqu'elle a voulu poser des questions, on lui a répondu que cela ne la concernait pas, on l'a infantilisée. Des années de thérapie, et la rencontre d'une gynécologue bienveillante lui seront nécessaires pour réapprivoiser son intimité. Clémentine a elle aussi deux enfants, deux belles petites filles. Seulement, alors qu'elle attend la deuxième, une séance d'hypnothérapie fait revenir à sa mémoire quelque chose que son esprit avait totalement occulté. En réalité, elle n'est pas la mère de deux enfants, mais de trois. L'année de son bac, elle a été enceinte, une grossesse que son corps s'est appliqué à cacher, à elle comme aux autres, un enfant né sous X, et complètement oublié depuis. Le souvenir de cet enfant qui remonte pourrait changer à jamais son équilibre familial. Quant à Noémie, la dernière, on se demande quand elle aura des enfants, elle-même se le demande. Et puis, au hasard d'un rendez-vous gynécologique, une terrible nouvelle tombe : elle est atteinte d'un cancer du col de l'utérus. Ces trois femmes m'ont émue, leur histoire familiale m'a parlé, tout cela m'a assurée dans mes convictions féministes. "Hystérique" n'est pas une insulte, simplement un constat : cela signifie qu'une personne est équipée d'un utérus. Et cet utérus, il peut influencer nos vies, notre histoire. Ce roman a achevé de me convaincre de plusieurs choses : le sang menstruel ne doit pas être un tabou, les douleurs de l'accouchement ne doivent pas être des tabous, et quand nous, femmes, en parlons ensemble, cela nous rend plus fortes. C'est donc réellement un roman que je recommande à toutes, un roman engagé qui touchera de nombreuses femmes. 

Sophie Adriansen est une autrice qu'il me tient à cœur de défendre, aussi, en cliquant sur l'image ci-dessous, vous pourrez accéder à toutes ses publications disponibles en librairie, et choisir celle qui vous intéresse ! 


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire